Image : Jean-Christophe Lett
24.06 —— 29.08.2021 en partenariat avec Mécènes du Sud
La septième chambre
Le 33, 33 rue Saint-Jacques, 13006 Marseille
Rebecca Digne
La septième chambre, Le Stanze
Qu’est-ce que la réalité sinon une chose fugace, éphémère ? Pour l'ancrer au temps et la rendre permanente, une femme, écrit Virginia Woolf, doit avoir accès à une chambre à soi… et un certain rapport à la mémoire, selon Rebecca Digne. Car tout comme le réel, si la mémoire nous définit, elle peut aussi nous quitter. Où va-t-elle donc lorsqu’elle s'efface ? Y a-t-il un lieu où l’on puisse la retrouver, où elle puisse fonctionner, se récréer et décider de sa propre vérité ? Qu’advient-il de la mémoire de ceux qui en sont privés ?
L’exposition Le stanze, « chambres » en italien, embrasse ces questions, jusqu’à la dernière pièce, La septième chambre, où la mémoire suit ses propres règles et la vie redevient possible, à condition que nous comprenions que notre réalité est tout sauf une chose toujours déjà décidée d’avance par les autres – pères, maris, collègues ou spécialistes en tout genre. Quand les outils qui nous permettent d’accéder de manière créative à notre propre mémoire nous sont inaccessibles, une solution s’impose.
Au XVIe siècle, le philosophe Giulio Camillo mit au point une technique de mémorisation, un procédé mnémotechnique conceptuellement agencé comme un théâtre. Dans cette architecture imaginaire, le spectateur ne se tient pas face à la scène mais en son centre, entouré de gradins divisés en sept rangées entrecoupées par sept couloirs. Autour de lui, chaque case créée par cet ordonnancement est associée à une figure symbolique et fonctionne comme une chambre, une cellule située à un endroit bien précis de la mémoire, de telle sorte que l’objet relié à lui soit facilement accessible. Dans ce Théâtre de la Mémoire, conçu pour que l’on puisse accéder à la totalité des savoirs, chaque fragment de connaissance correspond à une image. L’inventeur d’un tel dispositif était loin de se douter qu’un siècle plus tard, les unités élémentaires de la vie seraient nommées d’après les cellules (cellula en latin) monastiques. Des chambres comme on en trouve également dans l’ancien pavillon pour lequel Rebecca Digne a conçu sa double exposition – fermées à clé par le passé et à l’exception de celle qu’elle a imaginé à l’extérieur du pavillon, pour le 33, à Marseille.
Texte : Bénédicte Chevallier